1
Dans ma solitude s'élève :
2
Le son d'une flûte dans de sombres bosquets qui hantent les monts les plus hauts.
3
Ils s'étendent depuis le vaillant fleuve lui-même jusqu'aux limites du désert.
5
Les neiges sont èternelles l'à-haut, l'à-haut :
6
Et leur parfum gagne en fumant les narines des étoiles.
7
Mais qu'ai-je à faire avec elles ?
8
Seules me concernent la flûte lointaine, la vision persistante de Pan.
9
De toutes parts, Pan sous les yeux, dans les oreilles;
10
Le parfum de Pan embaume, sa saveur emplit entièrement ma bouche, de sorte que ma langue se déchaîne en un discours étrange et monstrueux.
11
Son intense étreinte en tout centre de douleur et de plaisir.
12
Le sixième sens intérieur embrasé du plus intime moi de Lui,
13
Moi-même projeté dans le précipice de l'existence
14
Et ce jusqu'à l'abîme, annihilation.
15
Une fin à la solitude, comme à tout.
16
Pan ! Pan ! Io Pan ! Io Pan !
1
Mon Dieu, comme je T'aime !
2
Je Te poursuis dans tout l'Univers, tenaillé d'un appétit féroce, bestial.
3
Tu te tiens pour ainsi dire sur un pinacle à la limite de quelque ville fortifiée. Je suis un oiseau blanc, et me perche sur Toi.
4
Tu es Mon Amant : je Te vois en nymphe aux membres pâles, dégourdis par le printemps.
5
Elle est couchée sur la mousse ; aucune autre, elle seule :
7
Je suis Lui. Ne parle point, Ô mon Dieu ! Que l'oeuvre s'accomplisse en silence.
8
Que mon cri de souffrance se cristallise en un petit faon immaculé qui s'enfuira dans la forêt !
9
Tu es un centaure, Ô mon Dieu, des fleurs de violettes qui Te couronnent aux sabots du cheval.
10
Tu es plus dur que l'acier trempé; il n'est point de diamant comparable à Toi.
11
N'ai-je point abandonné cette âme et ce corps ?
12
Je Te courtise lors même qu'une dague est apposée contre ma gorge.
13
Que le jet de sang étanche Ta soif de sang Ô mon Dieu !
14
Tu es un petit lapin blanc niché dans le terrier de la Nuit.
15
Je suis plus important que le renard et que le trou.
16
Donne-moi Tes baisers, Ô Seigneur Dieu!
17
La foudre survint et lapa le maigre troupeau de moutons.
18
Il y a une langue et une flamme; je vois ce trident marchant sur les flots.
19
Il a pour tête un phénix; dessous se trouvent deux fourchons. Ils transpercent les méchants.
20
Je Te transpercerai, Ô Toi petit dieu gris, si Tu n'y prends garde!
21
Du gris à l'or; et de l'or à ce qui surpasse l'or d'Ophir.
22
Mon Dieu! c'est que je T'aime!
23
Pourquoi as-Tu murmuré des choses aussi équivoques ? Avais-Tu peur, Ô Toi aux pieds fourchus, Ô cornu, Ô colonne de foudre ?
24
De la foudre s'écoulent des perles; des perles s'écoulent de noirs atomes de néant.
25
Je fondai tout sur un, et un sur rien.
26
Plane dans l'éther, Ô mon Dieu, mon Dieu!
27
Ô Toi, grand soleil de gloire aux paupières tombantes, sectionne-les donc!
28
Nature doit disparaître; elle me soustrait, par la peur condamnant mes paupières, elle me soustrait à Ma destruction, Ô Toi oeil ouvert.
29
Ô Toi qui toujours pleures !
30
Ni Isis ma mère, ni Osiris ma personnalité; mais l'incestueux Horus abandonné à Typhon, tel je puis être!
31
Là, il y a pensée; et la pensée est mauvaise.
32
Pan! Pan! Io Pan! cela suffit.
33
Ne sombre point dans la mort, Ô mon âme ! Songe que la mort est le lit dans lequel tu t'effondres!
34
Oh comme je T'aime, Ô mon Dieu ! Surtout qu'il est une impétueuse lumière parallèle issue de l'infini, vilement diffractée dans l'incertitude de cet esprit.
35
Je T'aime.
Je T'aime.
Je T'aime.
36
Tu es une magnifique créature, plus pâle qu'une femme dans la colonne de cette vibration.
37
Je m'élève à la verticale telle une flèche et deviens cela En Haut.
38
Mais c'est la mort, et la flamme du bûcher.
39
Monte dans la flamme du bûcher, Ô mon âme ! Ton Dieu est semblable au vide glacial des cieux les plus reculés, où tu irradies ta faible lumière.
40
Lorsque Tu me connaîtras, Ô Dieu vide, ma flamme expirera totalement en Ta grande N.O.X.
41
Que seras-Tu, mon Dieu, lorsque j'aurai cessé de T'aimer ?
42
Une larve, un zéro, un vil coquin !
44
J'ai tiré un million de fleurs de la corbeille de l'Au-Delà pour les jeter à Tes pieds, je T'ai oint, Toi et Ton Bâton, d'huile, de sang et de baisers.
45
J'ai éveillé Ton marbre à la vie - mais oui ! à la mort.
46
J'ai été frappé par la puanteur de Ta bouche, qui jamais ne boit de vin hormis la vie.
47
Comme la rosée de l'Univers blanchit les lèvres !
48
Ah ! écoulement du flux d'étoiles de la mère Supernelle, va-t'en !
49
Je Suis Elle qui doit venir, la Vierge de tous les hommes.
50
Je suis un garçon en Ta présence, Ô Toi Dieu satyre.
51
Tu infligeras le châtiment de la jouissance - Maintenant ! Maintenant ! Maintenant !
52
Io Pan ! Io Pan ! Je T'aime. Je T'aime.
54
Maintenant !
C'est fini ! La mort.
55
Je criai le mot — et c'était un puissant sortilège à même de lier l'Invisible, un enchantement visant à délier ce qui est lié; oui, délier ce qui est li
1
Ô mon Dieu! dispose encore de moi, toujours. À jamais! À jamais!
2
Ce qui provint feu de Toi provient eau de moi; qu'en conséquence Ton Esprit s'empare de moi, ce afin que ma dextre décoche la foudre.
3
Voyageant à travers l'espace, je vis la ruée de deux galaxies, donnant de la tète l'une contre l'autre et s'encornant tels des taureaux sur terre. J'eus peur.
4
Elles cessèrent alors de se battre et s'attaquèrent à moi, et je fus cruellement écrasé et déchiré.
5
J'aurais préféré ètre piétiné par le Monde-Êléphant.
6
Ô mon Dieu ! Tu es ma petite tortue chérie !
7
Et cependant Tu supportes le Monde-Éléphant.
8
Je rampe sous Ta carapace, comme un amoureux dans le lit de sa belle; je m'y insinue et vient siéger dans Ton coeur, y bénéficiant de toute la chaleur et de tout le confort possibles.
9
Tu m'abrites, que je n'entende point le barrissement de ce Monde-Éléphant.
10
Tu n'es pas digne d'une obole dans l'agora; et cependant l'Univers tout entier ne saurait suffire à payer Ta rançon.
11
Tu es semblable à une magnifique esclave Nubienne, appuyant sa pourpre nue contre les vertes colonnes de marbre au-dessus du bain.
12
Du vin gicle de ses noirs mamelons.
13
Je bus du vin lors de mon bref passage à la demeure de Pertinax. L'échanson me favorisa, et me servit le Chian sucré qui convenait.
14
Il y avait un garçon dorique, expert en tours de force, un athlète. La pleine lune en colère prit la fuite, descendit rejoindre le goémon.
Ah ! mais nous rîmes.
15
J'étais pernicieusement ivre, Ô mon Dieu ! Et cependant Pertinax m'amena à la fète nuptiale.
16
J'avais une couronne d'épines pour toute dot.
17
Tu es telle la corne d'un bouc d'Astor, Ô Toi Dieu mien, noueux, déjeté, et diablement dur.
18
Plus froid que toute la glace de tous les glaciers de la Montagne Nue était le vin qu'elle me versa.
19
Une contrée sauvage et une lune décroissante.
Des nuages qui galopent dans le ciel.
Une enceinte de pinèdes, et plus loin une autre d'ifs de haute taille. Toi au milieu !
20
Ô vous tous chats et crapauds, réjouissez-vous ! Vous, créatures visqueuses, venez ici !
21
Dansez, dansez en l'honneur du Seigneur notre Dieu !
22
Il est lui ! Il est lui ! Il est lui !
23
Pourquoi devrais-je continuer ?
24
Pourquoi ? Pourquoi ? soudain le caquetage d'un million de diablotins issus de l'enfer.
25
Et les rires se multiplient.
26
Mais n'écoeurent point l'Univers; mais n'ébranlent point les étoiles.
27
Dieu ! comme je T'aime !
28
Je marche dans un asile; tous les hommes et toutes les femmes qui m'environnent sont insanes.
29
Oh folie ! folie ! folie ! comme tu es désirable !
30
Mais je T'aime, Ô Dieu !
31
Ces hommes et ces femmes délirent et poussent des hurlements; ils écument de folie.
32
Je commence à prendre peur. Je n'ai aucune prise; je suis seul. Seul. Seul.
33
Songe, Ô Dieu, comme je suis heureux en Ton amour.
34
Ô Pan de marbre ! Ô visage perfide aux regards lubriques ! J'aime Tes noirs baisers, ensanglantés et puants! Ô Pan de marbre ! Tes baisers sont pareils aux rayons solaires sur Égée la bleue; leur sang est le sang du soleil se couchant sur Athènes; leur puanteur est comme une Roseraie de Macédoine.
35
Je rèvais de soleil couchant et de roses et de vins; Tu étais là, Ô mon Dieu, Tu T'étais habillé en courtisane Athénienne, et je T'aimai.
36
Tu n'es pas un rève, Ô Toi qui est trop beau pour la veille comme pour le sommeil !
37
Je disperse le peuple insane de la terre; j'arpente seul le jardin en compagnie de mes petites marionnettes.
38
Je suis d'une taille Gargantuesque; cette galaxie-là n'est que l'anneau de fumée de mon encens.
39
Brùle-Toi d'étranges herbes, Ô Dieu !
40
Garçons, brassez-moi un spiritueux magique qui doive tout Ô vos oeillades !
41
C'est l'àme mème qui est soùle.
42
Tu es ivre, Ô mon Dieu, de mes baisers.
43
L'Univers titube; Tes yeux se sont posés sur lui.
44
Deux fois, et tout est fini.
45
Viens, Ô mon Dieu, et étreignons-nous !
46
Paresseusement, avidement, ardemment, patiemment; ainsi oeuvrerai-je.
49
Je suis fou de T'aimer; Tu es cruel, Tu Te refuses.
50
Viens à moi de suite ! Je T'aime ! Je T'aime !
51
Ô mon aimé, mon aimé - Embrasse-moi ! Embrasse-moi ! Ah ! encore.
52
Sommeil, emporte-moi ! Mort, emporte-moi ! Cette vie est trop pleine; cela fait mal, cela tue, cela suffit.
53
Laisse-moi revenir au monde; oui, revenir au monde.
1
J'étais prêtre d'Amon-Râ dans son temple de Thèbes.
2
Mais Bacchus vint chanter escorté de ses troupes de filles vêtues de pampre, de filles en noires pèlerines; et Bacchus au milieu d'elles tel un faon !
3
Dieu ! comme je me ruai dehors, fou de rage, et dispersai le choeur !
4
Mais dans mon temple demeura Bacchus, prêtre d'Amon-Râ.
5
Alors je gagnai dans l'enthousiasme l'Abyssinie en compagnie des jouvencelles; et là nous restâmes et nous réjouîmes.
6
À l'extrême; oui, en vérité !
7
Je mangerai le fruit mûr et le fruit vert à la gloire de Bacchus.
8
Des terrasses d'ilex, et des gradins d'onyx, d'opale et de sardoine menant au porche de malachite vert et frais.
9
À l'intérieur, une écaille cristalline dont la forme évoquait celle d'une huître - Ô gloire de Priape ! Ô béatitude de la Grande Déesse !
10
Dedans se trouve une perle.
11
Ô Perle ! tu es issue de la majesté du redoutable Amon-Râ.
12
Puis moi, le Prêtre, je remarquai un scintillement ininterrompu au coeur de la perle.
13
Si brillant que nous ne pouvions regarder ! Mais vois ! une rose rouge sang sur un crucifix d'or incandescent !
14
Alors adorai-je le Dieu. Bacchus ! tu es l'amant de mon Dieu !
15
Moi qui étais le prêtre d'Amon-Râ, qui vis le Nil s'écouler durant de nombreuses lunes, durant de très, très nombreuses lunes, je suis le jeune faon de la morne contrée.
16
J'instaurerai ma danse dans vos conventicules, et mes amours clandestins seront plaisants parmi vous.
17
Tu auras un amoureux parmi les seigneurs de la morne contrée.
18
Cela il t'apportera, cela sans quoi tout est en vain; la vie d'un homme par amour de toi répandue sur Mes Autels.
20
Que ce soit sous peu, Ô Dieu, mon Dieu ! Je souffre de Toi, j'erre totalement seul au milieu du peuple dément, dans la morne contrée de la désolation.
21
Tu instaureras l'abominable et solitaire Créature de méchanceté. Oh joie ! de poser cette pierre d'angle!
22
Elle demeurera érigée sur la haute montagne; seul mon Dieu s'entretiendra avec elle.
23
Je la bâtirai d'un unique rubis; elle sera vue de loin.
24
Allons ! irritons les vaisseaux de la terre : ils distilleront un vin étrange.
25
Cela croît sous ma main : cela recouvrira tous les cieux.
26
Tu te trouves derrière moi : je crie d'une joie démente.
27
Alors parla Ithuriel le puissant; adorons Nous aussi cette invisible merveille!
28
Ils firent ainsi, et les archanges traversèrent promptement les cieux.
29
Êtrange et mystique, tel un prêtre jaune invoquant la puissante trajectoire de grands oiseaux gris venus du Nord, ainsi je me tiens et T'invoque!
30
Qu'ils n'obscurcissent point le soleil de leurs ailes ni de leur clameur!
31
Emporte la forme et sa suite!
33
Tu es semblable à une orfraie au milieu d'une rizière, je suis le grand pélican rouge dans les eaux du soleil couchant.
34
Je suis pareil à un noir eunuque; et Tu es le cimeterre. Je tranche la tête du faible, du traître au pain et au sel.
35
Oui ! je frappe - et le sang crée pour ainsi dire un coucher de soleil sur le lapis-lazuli de la Chambre à Coucher du Roi.
36
Je frappe. Le monde entier est résolu en un vent formidable, et une voix s'élève, dans une langue que les hommes ne peuvent parler.
37
Je connais cet effroyable son de joie primitive; suivons les ailes de la tempête jusqu'en la demeure sacrée d'Hâthor; offrons les cinq joyaux de la vache sur son autel!
38
De nouveau la voix inhumaine!
39
Je cabre ma masse de Titan contre les dents de la tempête, et je frappe et l'emporte, et je débouche au-dessus de la mer.
40
Il y a un étrange Dieu blême, un dieu de douleur et de mortelle méchanceté.
41
Ma propre âme mord en elle-même, comme un scorpion qu'entoure le feu.
42
Ce Dieu blafard au visage détourné, ce Dieu de raffinement et de rires, ce jeune Dieu dorique, lui je servirai.
43
Car le terme en est tourment indicible.
44
Mieux vaut la solitude de la grande mer sombre!
45
Mais quelque mal assaille le peuple de la morne contrée, mon Dieu !
46
Laisse-moi les étouffer sous mes roses !
47
Oh Toi Dieu exquis, sinistre sourire !
48
Je Te cueille, Ô mon Dieu, telle une prune violette sur un arbre ensoleillé. Comme Tu fonds dans ma bouche, Toi, sucre consacré des Êtoiles !
49
Le monde m'apparaît totalement morne; c'est comme une vieille outre usée.
50
Tout son vin se trouve sur ces lèvres.
51
Tu m'as engendré d'une Statue de marbre, Ô mon Dieu !
52
Le corps est glacial comme un million de lunes; il est plus dur que le diamant de l'éternité. Comment surgirai-je à la lumière ?
53
Tu es Lui, Ô Dieu ! Ô mon aimé ! mon enfant ! mon jouet ! Tu es comme un essaim de vierges, comme une foule de cygnes sur le lac.
54
Je ressens l'essence de la douceur.
55
Je suis dur et fort et mâle; mais Viens ! Je serais doux et faible et féminin.
56
Tu m'exprimeras dans le pressoir de Ton amour. Mon sang maculera Tes pieds ardents de litanies d'Amour et d'Angoisse.
57
Il y aura une nouvelle fleur dans les champs, un nouveau cru dans les vignobles.
58
Les abeilles composeront un nouveau miel; les poètes entonneront un nouveau chant.
59
J'aurai pour récompense la Douleur du Bouc; et le Dieu qui siège sur les épaules du Temps s'assoupira.
60
Alors tout ce qui est écrit sera accompli : oui, ce sera accompli.
1
Je suis comme une vierge se baignant dans un plan d'eau fraîche et claire.
2
Ô mon Dieu ! Je Te vois sombre et désirable, remontant à la surface de l'eau telle une fumée dorée.
3
Tu es entièrement doré, cheveux et sourcils et face radieuse; et jusqu'aux extrémités des doigts et des orteils Tu es un seul rêve d'or, rose.
4
Plongée au fond de Tes yeux d'or mon âme tressaille, tel un archange menaçant le soleil.
5
Mon épée Te transperce encore et encore; des lunes cristallines suintent de Ton corps splendide caché derrière les ovales de Tes yeux.
6
Plus profond, toujours plus profond. Je tombe, de même que l'Univers tout entier sombre dans l'abîme des Ans.
7
Car l'Êternité appelle; le Surmonde appelle; le monde de la Parole nous attend.
8
Que cesse le discours, Ô Dieu ! Plante dans ma gorge les crocs du chien de chasse qu'on nomme Êternité !
9
Je suis comme un oiseau blessé décrivant des cercles tout en battant des ailes.
10
Qui sait où je tomberai ?
11
Ô Toi qui es béni ! Ô Dieu ! Ô mon dévorateur !
12
Laisse-moi tomber, tomber à terre, tomber au loin, très loin, seul !
14
Et il n'est aucun repos, mon Aimé, si ce n'est dans le berceau du royal Bacchus, dans la cuisse du Plus Saint.
15
Repose-toi là sous le dais de la nuit.
16
Uranus gronda Éros; Marsyas gronda Olympas; je grondai mon splendide amant dont la crinière est de rayons de soleil; ne chanterai-je point ?
17
Mes incantations ne feront-elles point surgir autour de moi l'admirable compagnie des dieux sylvestres, aux corps luisants de l'onguent composé de clair de lune, miel et myrrhe ?
18
Adorables êtes-vous, Ô mes amoureux; hâtons-nous jusqu'à la plus sombre des cavernes !
19
Là nous nous régalerons de mandragore et de moly !
20
Là l'Être gracieux nous offrira Son banquet sacré. Dans les gâteaux bruns de maïs goûterons-nous la nourriture du monde, et en deviendrons forts.
21
Dans l'affreuse et rougeâtre coupe de la mort boirons-nous le sang du monde, et nous en enivrerons !
22
Ohé ! le chant en l'honneur d'Iao, le chant en l'honneur d'Iao !
23
Allons, chantons en ton honneur, invisible Iacchus, Iacchus triomphant, indicible Iacchus !
24
Iacchus, Ô Iacchus, Ô Iacchus, rejoins-nous !
25
Alors fut assombrie la contenance de toujours, et brilla la véritable lumière.
26
Il y avait aussi un certain cri dans une langue inconnue, dont la stridence troubla les eaux paisibles de mon âme, de sorte que mon esprit et mon corps furent guéris de leur maladie, de leur connaissance d'eux-mêmes.
27
Oui, un ange troubla les eaux.
28
Tel était Son cri : IIIOOShBThIO-IIIIAMAMThIBI-II
29
Je n'eus point à chanter cela mille fois par nuit durant un millier de nuits avant que Tu vins, Ô mon Dieu flamboyant, et me transperças de Ta lance. Ta robe écarlate déploya l'ensemble des cieux, de sorte que les Dieux dirent : Tout se consume : c'est la fin.
30
Aussi Tu apposas Tes lèvres contre la blessure et gobas un million d'oeufs. Et Ta mère s'assit sur eux, et vois ! des étoiles et des étoiles et des Choses ultimes dont les étoiles sont les atomes.
31
Puis je Te perçus, Ô mon Dieu, assis comme un chat blanc sur le treillage de la tonnelle; et le vrombissement des mondes en rotation n'était autre que Ton plaisir.
32
Ô chat blanc, les étincelles jaillissent de Ta fourrure ! Tu crépites en déchirant les mondes.
33
J'en vis plus de Toi dans le chat blanc que j'en perçus lors de la Vision des Êons.
34
Dans le bateau de Râ ai-je voyagé, mais jamais n'ai-je trouvé un être semblable à Toi dans tout l'Univers visible!
35
Tu étais semblable à un blanc destrier pourvu d'ailes, et je Te chevauchais l'éternité durant, cherchant à l'emporter sur le Seigneur des Dieux.
36
Et ainsi cette course dure encore !
37
Tu étais comme un flocon de neige tombant dans les bois vêtus de pins.
38
En un moment Tu fus perdu dans un désert du même et de l'autre.
39
Mais je vis le Dieu magnifique derrière le blizzard - et Tu étais Lui !
40
Aussi je lus dans un grand Livre.
41
Sur du vieux parchemin se trouvait écrit en lettres d'or : Verbum fit Verbum.
42
Aussi Vitriol et le nom du hiérophante
V.V.V.V.V.
43
Tout ceci tournoya en feu, en étoile de feu, rare et lointaine et totalement solitaire - semblable à Toi et Moi, Ô âme désolée, mon Dieu !
44
Oui, et les caractères
Cela est bien.
Voici la voix qui ébranla la terre.
45
Par huit fois il poussa un grand cri, et par huit et huit encore dénombrerai-je Tes grâces, Oh Toi Endécatuple Dieu 418 !
46
Oui, et par bien plus; par les dix dans les vingt-deux directions; semblables à la perpendiculaire de la Pyramide - telles seront Tes grâces.
47
Si je les compte, elles sont Une.
48
Excellent est Ton amour, Oh Seigneur ! Tu es révélé par les ténèbres, et qui avance à tâtons dans l'horreur des futaies se saisira peut-être de Toi, tel un serpent capturant un petit oiseau chanteur.
49
Je T'ai capturé, Ô ma tendre grive; je suis tel un faucon de mère d'émeraude; je Te capture d'instinct, bien que mes yeux désertent Ta splendeur.
50
Là-bas se trouvent néanmoins des sots. Je les aperçois sur le sable jaune, tous vêtus de pourpre Tyrienne.
51
Ils tirent leur Dieu étincelant, prisonnier des rêts, jusqu'à terre; ils édifient un feu au Seigneur du Feu, et ils hurlent des paroles profanes, et même l'épouvantable malédiction Amri maratza, maratza, atman deona lastadza maratza maritza - marán!
52
Puis ils cuisinent le dieu étincelant et l'ingurgitent tout entier.
53
Ce sont de mauvaises gens, Ô splendide jouvenceau ! passons à l'Autre Monde!
54
Devenons de charmants appâts, prenons forme aguichante!
55
Je serais telle une superbe femme nue aux seins d'ivoire et aux mamelons dorés; tout mon corps sera semblable au lait des étoiles. Je serais grecque et satinée, une courtisane de Délos, l'Île instable.
56
Tu seras tel un petit asticot vermeil au bout d'un hameçon.
57
Mais toi et moi attraperons pareillement notre poisson.
58
Tu deviendras alors poisson rutilant dont le dos est d'or et le ventre d'argent : je serai tel un homme violent et beau, plus fort que deux vingtaines de taureaux, un homme de l'Ouest portant un grand sac de pierres précieuses au bout d'un bâton plus grand que l'axe du tout.
59
Et le poisson Te sera immolé et l'homme fort Me sera crucifié, et Toi et Moi nous embrasserons, et réparerons l'erreur Originelle; oui, l'erreur originelle.
1
Ô mon Dieu magnifique ! Je nage dans Ton coeur telle une truite dans le torrent de la montagne.
2
De joie bondis-je de pool en pool ; je suis bellement parée de brun, d'or et d'argent.
3
Voyons, je suis plus ravissante que les bois roux de l'automne à la première chute de neige.
4
Et la grotte cristalline de ma pensée est plus belle encore.
5
Un seul hameçon m'en peut extraire; c'est une femme à genoux sur la rive. C'est elle qui verse la rosée lumineuse sur son corps, et dans le sable afin que bouillonne le torrent.
6
Il est un oiseau sur ce myrte-là; seul le chant de cet oiseau peut me tirer du pool de Ton coeur, Ô mon Dieu !
7
Quel est ce garçon napolitain qui rit de bonheur ? Son amant est le grandiose cratère de la Montagne de Feu. Je vis ses membres carbonisés entraînés sur les pentes par une furtive langue de pierre liquide.
8
Et Oh ! le chant de la cigale!
9
Je me souviens de ces jours lorsque j'étais cacique au Mexique.
10
Ô mon Dieu, étais-Tu déjà mon bel amant comme aujourd'hui?
11
Mon enfance était-elle déjà Ton jouet, Ta joie ?
12
En vérité, je me souviens de ces jours de fer.
13
Je me souviens de comment nous mouillâmes les lacs amers de notre torrent d'or; de comment nous enfouîmes la précieuse idole dans le cratère de Citlaltepetl.
14
Comment la belle ardeur nous éleva jusqu'aux basses plaines, nous déposant dans l'impénétrable forêt.
15
Oui, Tu étais un curieux oiseau écarlate au bec doré. J'étais Ta femelle dans les forêts de la basse plaine; et toujours nous entendions au loin la stridente psalmodie des prêtres mutilés et la folle clameur du Sacrifice des Vierges.
16
Il y avait un étrange Dieu ailé qui nous entretint de sa sagesse.
17
Nous parvînmes à être grains étoilés de poussière d'or dans les sables d'une rivière indolente.
18
Oui, et cette rivière était également celle de l'espace et du temps.
19
Et là nous nous séparâmes; vers l'infiniment petit, vers l'infiniment grand, jusqu'à l'instant présent, Ô Dieu suave, où nous redevenons nous-mêmes, le même.
20
Ô Dieu mien, Tu es semblable à un petit bouc immaculé dont les cornes abritent la foudre !
22
Chaque souffle, chaque parole, chaque pensée et chaque acte sont actes d'amour avec Toi.
23
Le battement de mon coeur est le pendule de l'amour.
24
Mes chants sont de faibles soupirs :
25
Mes pensées sont authentique ravissement :
26
Et mes actes sont les myriades de Tes enfants, les étoiles et les atomes.
28
Que toutes choses s'abîment en cet océan d'amour !
29
Que cette dévotion constitue un puissant charme à même d'exorciser les démons du Cinq !
30
Ah Dieu, c'en est fait de tout ! Tu consommes Ton extase. Falútli ! Falútli !
31
Il est une solennité du silence. Il n'est plus de voix du tout.
32
Il en sera ainsi jusqu'à la fin. Nous qui étions poussière plus jamais ne redeviendrons poussière.
34
Puis, Ô mon Dieu, le souffle du Jardin d'Aromates ! Tous possèdent une saveur opposée.
35
Le cône est sectionné par un rayon d'infini; la courbe de l'existence hyperbolique surgit à la vie.
36
Nous flottons plus loin, plus loin; et demeurons néanmoins immobiles. C'est la chaîne des systèmes qui nous déserte.
37
Tout d'abord s'écroule le monde d'idiotie; le monde de la vieille et morne contrée.
38
Il s'écroule inconcevablement loin, lui et son visage de barbu affligé; il se fond dans le silence et le malheur.
39
À nous le silence et la félicité, et la face est face souriante d'Êros.
40
C'est lui qu'en souriant nous saluons par les signes secrets.
41
Il nous mène jusqu'au Palais Renversé.
42
Il y a le Coeur de Sang, une pyramide dont l'apex descend bien au-delà de l'Erreur Originelle.
43
Inhume-moi en Ta Gloire, Ô bien-aimé, Ô amant princier de cette pute vierge, dedans la plus Secrète des Chambres du Palais !
44
Cela se fait vite; oui, le sceau est apposé contre le caveau.
45
Il en est un qui parviendra à l'ouvrir.
46
Ni par la mémoire, ni par l'imagination, ni par la prière, ni par le jeûne, ni par la flagellation, ni par les drogues, ni par le rituel, ni par la méditation; seul l'amour passif lui permettra de réussir.
47
Il attendra l'épée du Bien-Aimé et dénudera sa gorge pour le coup.
48
Et alors son sang jaillira et me gravera des runes dans le ciel; oui, me gravera des runes dans le ciel.
1
Tu étais une prêtresse, Ô mon Dieu, parmi les Druides; et nous savions les pouvoirs du chêne.
2
Nous nous fîmes un Temple de pierres en la forme de l'Univers, égal comme tu l'arasas ouvertement et moi à l'abri des regards.
3
Là nous accomplîmes nombre de prodiges à la minuit.
4
Nous oeuvrions durant la lune décroissante.
5
De la plaine nous parvenait l'atroce complainte des loups.
6
Nous répondîmes; nous chassâmes avec la meute.
7
Nous allâmes même jusqu'à pénétrer la neuve Chapelle et Tu emportas le Saint Graal sous Tes vêtements de Druide.
8
En secret et à la dérobée nous bûmes du sacrement qui imprègne.
9
Un terrible mal s'abattit alors sur les habitants de la morne contrée; et nous nous réjouîmes.
10
Ô mon Dieu, déguise Ta gloire!
11
Viens comme un voleur, et emparons-nous en catimini des Sacrements!
12
Dans nos futaies, dans nos cellules monastiques, dans notre bienheureux rayon de miel, buvons, buvons!
13
Il s'agit du vin qui imprègne tout de la véritable teinture d'or infaillible.
14
De profonds secrets résident dans ces chants. Il ne suffit pas d'entendre l'oiseau; il faut l'être pour goûter le chant.
15
Je suis l'oiseau, et Tu es mon chant, Ô mon superbe Dieu lancé au galop!
16
Tu serres la bride aux étoiles; tu conduis les constellations par rangs de sept dans le cirque du Néant.
18
Je joue de ma harpe; Tu affrontes les bêtes et les flammes.
19
Tu Te réjouis de la musique et Moi du combat.
20
Toi et Moi sommes chéris de l'Empereur.
21
Vois ! il nous a convoqués à l'estrade Impériale.
La nuit tombe; il y a grande orgie d'adoration et de béatitude.
22
La nuit tombe telle une cape étoilée s'échappant des épaules d'un prince pour échoir à un esclave.
23
Se lève un homme libre!
24
Jette, Ô prophète, la cape sur ces esclaves!
25
Une grande nuit, et de rares feux en son sein; mais la liberté pour l'esclave qui sa gloire embrassera.
26
Et alors moi aussi je descendis jusqu'à la grande cité triste.
27
Et là Messaline morte troquait sa couronne contre le poison de Locuste éteinte; là demeurait Caligula frappant les mers de l'oubli.
28
Qui étais-Tu, Ô César, pour reconnaître Dieu dans un cheval ?
29
Car vois ! nous contemplâmes le Blanc Destrier du Saxon gravé sur la terre; et nous contemplâmes les Chevaux de la Mer qui flamboient autour de la vieille et morne contrée, et l'écume de leurs naseaux nous illumine !
30
Ah ! mais c'est que je t'aime, Dieu !
31
Tu es semblable à la lune régnant sur un monde de glace.
32
Tu es semblable à l'aurore des neiges éternelles se levant sur les plaines brûlées de la patrie du tigre.
33
Je T'adore et par le silence et par la parole.
34
Mais tout est en vain.
35
Seuls Ton silence et Ta parole qui m'adorent sont de quelque aide.
36
Lamentez-vous, Ô vous gens de la morne contrée, car nous avons bu votre vin et ne vous avons laissé que la lie acerbe.
37
À partir de celle-ci nous vous distillerons néanmoins une liqueur surpassant le nectar des Dieux.
38
Notre teinture vaut bien un monde d'Êpice et d'or.
39
Car notre poudre rouge de projection dépasse toutes les limites du possible.
40
Il y a peu d'hommes; ils suffisent.
41
Nous serons envahis d'échansons, et le vin coule à volonté.
42
Oh là mon Dieu ! quel festin Tu as prévu.
43
Contemple les lumières et les fleurs et les jouvencelles!
44
Goûte les vins, les mets de choix et les viandes magnifiques!
45
Hume les parfums et les nuées de petits dieux semblables à des dryades habitant les narines !
46
Ressens dans tout ton corps le glorieux satiné du marbre frais et la généreuse chaleur du soleil et des esclaves !
47
Que l'Invisible imprègne toute la dévorante Lumière de sa tumultueuse vigueur !
48
Oui ! le monde entier est déchiré en deux tel un vieil arbre morne que frappe la foudre !
49
Venez, Ô vous Dieux, et festoyons.
50
Toi, Ô mon aimé, Ô mon perpétuel Dieu-Passereau, ma joie, mon désir, mon fourbe, pose-Toi sur ma dextre pour y gazouiller !
51
C'était le récit des souvenirs d'Al A'in le prêtre; oui, d'Al A'in le prêtre.
1
Par la combustion de l'encens la Parole fut-elle révélée, et par la drogue lointaine.
2
Ô farine, miel, huile ! Ô magnifique pavillon de la lune, qu'elle arbore au centre de la béatitude!
3
Ils défont les bandelettes du cadavre; ils débandent les pieds d'Osiris, afin que le Dieu ardent sévisse dans tout le firmament, armé de sa formidable lance.
4
Mais de pur marbre noir est la statue chagrine, et l'immuable douleur de son regard est amère pour l'aveugle.
5
Nous comprenons l'extase de ce marbre bouleversé, déchiré par les affres de l'enfant couronné, la verge d'or du Dieu d'or.
6
Nous savons pourquoi tout est caché dans la pierre, dans le cercueil, dans le grandiose sépulcre, et nous aussi répondons Olalám ! Imál ! Tutùlu ! comme il est écrit dans l'ancien livre.
7
Trois mots de ce livre sont comme la vie pour un nouvel éon; aucun dieu ne l'a lu entièrement.
8
Mais Toi et Moi, Ô Dieu, l'avons écrit page après page.
9
Nôtre est l'endécatuple lecture de l'Endécatuple parole.
10
Ces sept lettres ensemble composent divers mots; chaque mot est divin, et sept phrases y sont cachées.
11
Tu es le Verbe, Ô mon aimé, mon seigneur, mon maître!
12
Ah ! viens à moi, allie le feu à l'eau, tout se dissoudra.
13
Je T'attends en dormant, en m'éveillant. Je ne T'invoque plus; car Tu es en moi, Ô Toi qui fis de moi un bel instrument accordé sur Ton extase.
14
Bien que Tu existes toujours séparément, de même que Moi.
15
Je me souviens d'un certain jour sacré lors du crépuscule de l'année, du crépuscule de l'Êquinoxe d'Osiris, lorsque pour la première fois je Te contemplai clairement; lorsque pour la première fois fut tranchée la terrible question; lorsque Celui à tête d'Ibis apaisa la lutte par enchantement.
16
Je me souviens de Ton premier baiser tout comme s'en souviendrait une vierge. Nul autre ne se tenait dans les sombres chemins de traverse : Tes baisers demeurent.
17
Nul autre que Toi dans tout l'Univers d'Amour.
18
Mon Dieu, je T'aime, Ô Toi bouc aux cornes dorées!
19
Toi splendide taureau d'Apis ! Toi splendide serpent d'Apep ! Toi splendide enfant de la Déesse Fertile!
20
Tu T'es agitée dans Ton sommeil, Ô antique douleur des ans ! Tu as dressé Ta tête pour frapper, et tout est dissous dans l'Abîme de Gloire.
21
Un terme aux lettres des mots ! Un terme au discours septuple!
22
Fonds-moi toute cette merveille dans l'image d'un chameau vif et décharné arpentant le désert.
23
Il est seul, et abominable; il a néanmoins remporté la couronne.
24
Oh ! réjouis-toi! réjouis-toi!
25
Mon Dieu ! Ô mon Dieu ! je ne suis qu'un atome dans la poussière stellaire des siècles; je suis le Maître du Secret des Choses.
26
Je suis le Révélateur et l'Apprêteur. Mienne est l'Êpée - et la Mitre et la Baguette Ailée!
27
Je suis l'Initiateur et le Destructeur. Mien est le Globe - et l'Oiseau Bennou et le Lotus d'Isis ma fille!
28
Je suis Celui par-delà tous ceux-là; et j'arbore les symboles des puissantes ténèbres.
29
Il y aura un sceau qui sera comme un vaste océan de mort qui couve, avec une flamme centrale de ténèbres, irradiant sa nuit sur tout.
30
Cela dévorera ces ténèbres moindres.
31
Mais dans ces profondeurs, qui répondra : Qu'est-ce ?
34
Viens, cessons de raisonner ensemble; réjouissons-nous ! Soyons nous-mêmes, silencieux, uniques, à part.
35
Ô bois solitaires du monde ! Dans quelles alcôves dissimulerez-vous notre amour ?
36
La forêt des lances du Très-Haut est nommée Nuit, et Hadès, et Jour du Courroux; mais je suis Son capitaine, et je porte Sa coupe.
37
Ne me craignez point, moi et mes lanciers ! Ils tueront les démons de leurs petits fourchons. Vous serez libres.
38
Ah, esclaves ! vous ne voulez point - vous ne savez comment vouloir.
39
La musique de mes lances constituera néanmoins un chant de liberté.
40
Un grand oiseau surgira de l'Abîme de Joie et vous emportera pour que mes échansons vous deveniez.
41
Viens, Ô mon Dieu, en une dernière extase opérons l'Union avec le Multiple !
42
Dans le silence des Choses, dans la Nuit des Forces, au-delà du domaine maudit du Trois, jouissons de notre amour !
43
Mon amour ! Mon amour ! loin, bien au-delà de l'Assemblée et de la Loi et de l'Illumination, dans une Anarchie de Solitude et de Ténèbres !
44
Car par là même devons-nous masquer l'éclat de notre Personne.
45
Mon amour ! Mon amour !
46
Ô mon Dieu, c'est que l'amour en Moi fait sauter les barrières de l'Espace comme du Temps; mon amour est répandu parmi ceux qui n'aiment pas l'amour.
47
Mon vin est versé pour ceux qui jamais ne goûtèrent au vin.
48
Ses vapeurs les enivreront et la vigueur de mon amour de leurs vierges engendrera de puissants rejetons.
49
Oui ! sans gorgée, sans étreinte : et la Voix répondit Oui ! ces choses seront.
50
Je cherchai alors une Parole pour Moi-Même; voire pour moi-même.
51
Et la Parole vint : Ô Toi ! cela est bien. Ne prends garde à rien ! Je T'aime ! Je T'aime !
52
Aussi eus-je foi en la fin de tout; oui, en la fin de tout.